Programme > Conférenciers Invités

Thierry Olive

(CNRS - Université de Poitiers, Centre de Recherches sur la Cognition et l'Apprentissage (CeRCA) - UMR 7295, Page web)

Ecrire les émotions : impacts sur la mémoire de travail

La question du lien entre écriture et émotions a été étudiée depuis plusieurs décennies à partir de deux questionnements concernant, d’une part, l’anxiété et l’appréhension à rédiger (Brand, 1985 : Daly & Miller, 1975) et, d’autre part, l’écriture expressive, c’est-à-dire l’écriture de ses propres émotions (Pennebaker & Chung, 2011 ; Piolat & Bannour, 2011). Plus récemment, l’impact des émotions ressenties lors de la rédaction ou décrites dans le texte a été analysé sur la performance orthographique (par exemple : Cuisinier et al., 2010 ; Piolat et al., 2010 ; Soulier et al., 2017 ; Tornare et al., 2016).

Il ressort de ces travaux que les émotions tendent à affecter négativement la performance rédactionnelle (jusqu’à l’empêcher lorsque l’appréhension à écrire est trop grande). Par exemple, les travaux sur l’orthographe, s’ils ne concordent pas tous sur les effets spécifiques des émotions (et en particulier de la valence émotionnelle), mettent en évidence des erreurs d’orthographes plus nombreuses en « situation émotionnelle ». En référence au modèle d’Allocation des Ressources Attentionnelles de Ellis et Ashbrooke (1988) et Ellis et Moore (1999) ou à d’autre cadres théoriques (e.g., Klein & Boals, 2001), les effets négatifs des émotions ont été interprétés en suggérant un impact sur la mémoire de travail : les émotions induiraient des pensées intrusives (ou des ruminations) qui diminueraient la capacité de la mémoire de travail, augmenteraient la charge cognitive et qui, de ce fait, n’autoriseraient pas un fonctionnement cognitif optimal.

Cette conférence présentera dans un premier temps des travaux qui ont montré les effets des émotions sur l’écriture et qui, quelle que soit l’approche, on fait l’hypothèse que leurs résultats reposent sur un effet sur la mémoire de travail. Il en est ainsi des travaux sur l’anxiété à écrire, sur l’écriture à écrire, et sur l’orthographe. Dans un second temps, des travaux en cours visant à tester précisément ces hypothèses seront présentés. Par exemple, des travaux récents sur l’évaluation du coût cognitif lors de la rédaction de textes émotionnels seront présentés.

Mots clés: Rédaction, orthographe, charge cognitive, mémoire de travail, régulation émotionnelle

 

Pamela Gobin

(Université de Reims, Laboratoire C2S - Cognition Santé Société (EA 6291, Page web)

Un soupçon d’émotions : lien entre les systèmes sémantique et affectif

Les émotions permettent aux êtres humains de s’adapter au monde environnant (Damasio, 1995, 1999) et d’ajuster leur ressenti, leur cognition, leur but, leur motivation grâce à un processus complexe d’évaluation (Scherer, 2005), et c’est d’elles que dépendent la quête existentielle du bonheur. La perception d’une émotion permet ainsi des inférences tant au niveau des pensées d’autrui et des tendances à l’action (Scherer & Grandjean, 2008). Au-delà d’une adaptation simple, les émotions jouent un rôle bien plus profond et colorent le monde qui nous entoure. Ainsi, les stimuli neutres peuvent acquérir une connotation émotionnelle lorsqu’ils sont présentés de façon concomitante, répétée ou non, avec des stimuli émotionnels, selon l’hypothèse du conditionnement évaluatif (Bouy, Syssau, & Blanc, 2014 ; De Houwer, 2007). Cependant, cette coloration émotionnelle devient-elle alors un trait sémantique comme les autres ?

Depuis plusieurs années, une des questions a été de savoir si les caractéristiques émotionnelles sont intégrées dans la signification des concepts, et ainsi sont traitées par le système sémantique. Certaines conceptions postulent l’existence d’un système affectif, dédié particulièrement aux aspects émotionnels des concepts, qui seraient en lien avec le système sémantique (e.g., Bargh, Chaiken, Raymond, & Hymes, 1996 ; Ferrand, Ric, & Augustinova, 2007 ; Gobin & Mathey, 2010). Cette vision repose en partie sur plusieurs études ayant antérieurement montré que les aspects émotionnels sont extraits plus précocement que les aspects sémantiques en utilisant des paradigmes d’amorçage (e.g., Murphy & Zajonc, 1993 ; Stapel, Koomen, & Ruys, 2002). Cependant, les liens entre ce système affectif et le système sémantique restent encore très peu explorés, bien que certaines études se soient penchées soit sur l’influence de l’état émotionnel des individus sur la compréhension des mots polysémiques (e.g., les travaux de Corson, 2006, 2007), soit sur l’influence de la polysémie dans les effets de la valence émotionnelle des concepts (Syssau & Laxén, 2012).

Ainsi, après avoir présenté un point sur ces travaux de la littérature, cette conférence traitera d’études en cours ciblant les liens entre aspects sémantiques et émotionnels lors de la compréhension de mots polysémiques, et plus particulièrement l’activation et l’inhibition du sens émotionnel de ces mots, ou dans les biais attentionnels lors du traitement de mots « d’alcool » chez des personnes présentant un trouble d’usage de l’alcool.

Mots clés: Emotions, système affectif, polysémie, biais attentionnels, activation, inhibition.

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